336,83 km / 3507 m D+ / 2561 m D-
Devise : Lev bulgare : 1 € = 0,5 LEV
Porté par le vent, conduit par la pluie, ouvert aux changements, le voyage est une adaptation perpétuelle à la mouvance du monde. Apprendre à céder et se laisser porter, c'est le secret du long cours.
Immobiles sur un tertre herbeux, nous savourons l’un de ces nombreux petits bonheurs qui ponctuent notre route. Sire soleil, en ce premier jour bulgare, réchauffe nos corps le temps d’un repas. Nous faisons le plein de vitamine C et observons les alentours, très différents de la Valachie à seulement quelques kilomètres et un fleuve de distance. La campagne roumaine urbanisée et peuplée fait place à de vastes étendues naturelles ponctuées de quelques villages que nous traversons sans croiser âme qui vive. Cette entrée dans le territoire bulgare donne l’impression de découvrir un pays fantôme tant nous y croisons peu de monde. Même les chiens errants brillent par l’absence d’aboiement.
Notre objectif en Bulgarie ? Rejoindre Sofia et prendre une décision quant à la poursuite du voyage, la Grèce est toujours fermée à l’heure où nous rentrons dans le pays. Notre itinéraire pour rejoindre la capitale est simple : de la montagne, des cols et du froid qui semble bien décidé à devenir un compagnon de voyage. La vague hivernale frappe l’Europe de plein fouet et nous oblige à poursuivre notre stratégie hôtelière, malgré une soirée que nous parviendrons à passer sous la tente. Le temps d’une nuit au clair de lune, le confort de la douche et du lit chaud s’estompent face à la dureté du sol gelé et le virevoltant sentiment de liberté qui nous étreint dans cette vie de nomade. Les arbres et leurs frondaisons deviennent pour quelques heures la charpente d’une toiture teintée d’étoiles.
Contraints d’emprunter des fonds de vallée et des routes sinueuses, nous sommes nargués par l’autoroute qui se dresse fière et rectiligne au-dessus de nos casques. Une vallée à franchir ? D’immenses piles de béton défient la gravité afin de former un viaduc. Une montagne à franchir ? L’excavatrice se met en marche et débite de tonnes de roches sans sourciller. Tunnel, viaduc, viaduc, tunnel, depuis le fond des vallées ou le haut des cols, nous côtoyons cette route en arrachant à la force des mollets l’énergie qui nous permet de nous extraire lentement de la pente.
La veille de notre arrivée à Sofia, la rareté des hébergements disponibles nous oblige à faire halte dans un immense complexe hôtelier à destination des golfeurs. Piscine, spa, massage, buffet à volonté… Nous nous sentons un peu déplacés dans ce bâtiment ostentatoire où nous nous retrouvons brutalement plongés dans le brouhaha de la foule. Le buffet en ligne de mire, nous prenons des forces en prévision du lendemain et du dernier col à franchir avant une longue descente jusqu’à Sofia.
De l’énergie, nous n’en eûmes pas beaucoup à revendre une fois nos sacoches posées chez Moretto & Caffeto. Affalés sur le sommier grinçant, nous refîmes le fil de cette journée aussi merveilleuse qu’éprouvante.
Une fois n’est pas coutume, la montée au col de Vitinya ne fut pas difficile, malgré les nombreux camions présents sur la route suite à la fermeture de l’autoroute pour travaux. La température négative ne parvenait pas à refroidir nos organismes réchauffés par l’effort. Le froid s’avéra surtout un talentueux artiste de l’éphémère. Sur la fin de l’ascension, nous eûmes la surprise de découvrir un monde gangué de glace. Chaque branche, chaque feuille morte encore accrochée à son géniteur nous apparut enveloppée d’une pellicule de quelques millimètres de glace. Derrière l’écrin translucide, la nature attend patiemment le printemps. Le col et les difficultés passés (nous le pensions encore à ce moment-là), les camions entamèrent lentement leur descente jusqu’au croisement salvateur depuis lequel ils repartirent à toute berzingue sur l’autoroute. C’est ici que débutèrent les problèmes.
Emmitouflés dans nos gants, sur-gants, tours de cou, bonnets, polaires, doudounes… Nous regardâmes éberlués la route devant nous. Blanche. Un bandeau de farine sur un lit de glace, voilà comment se présentait l’itinéraire. Bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute ou voie non déneigée, tel fut le choix qui s’offrit à nous. Nous eûmes pour préférence le manteau blanc dans lequel nous marquâmes le sol de la trace de nos vélos chargés.
En l’espace de quelques instants, la descente dans laquelle nous imaginions avaler les kilomètres se transforma en calvaire. Crispés sur les freins, à une allure désespérante, nous guettions les plaques de glace, ces traîtresses hydrauliques. Nos muscles refroidis ne produisirent plus la chaleur nécessaire à nous protéger du froid, qui en profita pour s’insinuer à travers le moindre interstice de notre tenue. Que cette descente fut longue et éprouvante ! Nous en oubliâmes même de manger, tant nous étions pressés d’arriver. De retour dans la plaine, transis de froid, nous poursuivîmes la route à la recherche d’un lit chaud. Le jour déclinait en à mesure que se développait l’urbanisation à l’approche de Sofia. Finies les petites routes de campagne, place aux grands axes et au périphérique. Finalement, nous y eûmes droit, à ce plaisir de rouler sur une voie rapide ! Nos ombres unies dans la nuit et guidés par la lumière de nos phares nous parcourons la ville jusqu’à apercevoir la façade taguée de l’auberge de jeunesse. Sofia, nous voilà, laisse-nous juste le temps d’une douche chaude et d’une bonne nuit de sommeil avant de partir à ta découverte !
Une matinée plutôt fraiche
Une matinée plutôt fraiche
Saisie par la glace
Saisie par la glace
Le sens du vent
Le sens du vent
Contemplation
Contemplation
Le début des problèmes...
Le début des problèmes...
Quelle surprise ce fut le lendemain matin d’ouvrir la porte de la chambre et de se retrouver face à un homme faisant le poirier en plein milieu de la pièce commune ! Chaque matin, Kim à l’habitude de cette routine spirituelle. Parti de Corée plusieurs mois auparavant, il parcourt l’Europe à pied, à l’image d’un moine itinérant. Qui sait, peut-être posera-t-il un jour ses sandales en France ? Un peu foutraque, un peu exigu et sans doute un peu illégal sur les bords, ce bâtiment nous évoque l’image même de l’auberge de jeunesse. Estonie, Angleterre, Corée, Italie, toutes les nations se retrouvent à cuisiner et à partager des repas. Les mesures sanitaires sont sans doute peu présentes, mais nous sommes très contents de retrouver du monde après la tranquillité de la campagne bulgare. La journée, nous découvrons la ville. Déambuler dans Sofia, cela revient à passer du communisme à la religion orthodoxe puis catholique en l’espace de quelques pas. Toutefois, si nous devions choisir entre le très géométrique musée d’histoire (ancien bâtiment de l’administration soviétique), l’imposante cathédrale Saint Alexandre Nevski ou la discrète mais complexe basilique Saint Sophie, nous opterions sans doute pour cette dernière. Palimpseste architectural, ce bâtiment rasé et reconstruit plusieurs fois fut tour à tour une église, une mosquée, un débarras abandonné… Parcourir les fondations de cet édifice de brique, c’est revivre l’histoire entière de cette cité mouvementée, dont le nom même trouve ses racines dans ce lieu.
Archéologie à ciel ouvert
Archéologie à ciel ouvert
marché couvert
marché couvert
esquisse urbaine
esquisse urbaine
Dans les profondeurs de la basilique
Dans les profondeurs de la basilique
Vestige soviétique
Vestige soviétique
L'auberge espagnole
L'auberge espagnole
Les quelques jours passés dans la capitale sont également l’occasion pour nous de définir la suite du voyage. Malgré tous nos espoirs, la Grèce n’a pas levé son confinement. Il nous faut accepter que le soleil du sud dont nous avions tant rêvé ne sera pas pour nous. Dans ce cas, où aller ? En Turquie, à la découverte d’Istanbul et de la Cappadoce ? L’idée est tentante, mais elle nous obligerait à nous presser sur le retour, ce que nous ne souhaitons pas. Nous retenons donc la seconde option : prendre tranquillement le chemin du retour vers la France, en prenant le temps de découvrir les Balkans. Encore quelques montagnes à franchir, mais la côte albanaise n’est qu’à quelques semaines de vélo. Soleil, où que tu sois, nous venons te voir ! Avant de voir l’aigle noir battre au large de l’eau turquoise, il nous faut traverser la Macédoine du Nord, ce petit pays enclavé, et franchir un énième col dont la pente s’élève depuis Kyoustendil. En chemin déboulent d’un seul coup deux cyclos à toute berzingue, ce sont les premiers voyageurs à vélo que nous croisons depuis Marco, que nous avions rencontré quatre mois auparavant ! Après un rapide échange, nous reprenons la route, du baume au cœur à l’idée de savoir que nous croiserons désormais d’autres cyclos arpentant la route en direction de l’Asie. La saison des migrations à vélo est ouverte, bon vent à tous !
Plaine bulgare
Plaine bulgare
En route vers les Balkans
En route vers les Balkans
particularité bulgare : les avis de décès dans les abribus
particularité bulgare : les avis de décès dans les abribus
Les voyageurs de l'Est
Les voyageurs de l'Est

Poursuivre le vagabondage :

Back to Top