666,84 km / 2 749 m D+ / 2 297 m D-
Devise : Zloty : 1 € = ~ 4,6 CZK
Rouge, jaune, bleu, les rubans flottent au gré du vent et rehaussent de leurs teintes vives les vierges de pierre qui veillent sur les intersections. En ville, ces dernières s’effacent parfois devant des bustes de Karol Józef Wajtyła au pied desquels s’étalent de nombreux bouquets de fleurs. Pieuse Pologne, nous voici sur tes terres.

Une estafette appartenant à la douane stationnée en bord de route matérialise la frontière entre la Lituanie et la Pologne. Un contrôle de passeport plus tard, nous voici en Pologne en train de parcourir quelques kilomètres avant de trouver un logement. L’anniversaire de Laurian approche et Sarah a réservé un nid douillet pour marquer l’événement ! Lasagnes et gâteau d’anniversaire, il n’en fallut pas plus pour recharger les batteries après les quelques jours éprouvants que nous avions connus.

Bienvenue en Pologne !

Un vélo d'anniversaire

Les dégats de notre dernière nuit lituanienne

Les dégats de notre dernière nuit lituanienne

Après réparation

Joyeux anniversaire !
Quelques jours plus tard nous remontons sur les vélos, en route vers le sud. Malgré les nombreux cas de Covid, le gouvernement polonais n’impose pas de couvre-feu ou de confinement. A priori, donc, pas d’entraves pour nous à l’exception des bars, restaurants et hôtels fermés (sauf raisons professionnelles). Qu’importe, nous pouvons continuer d’avancer et sommes heureux de parcourir à nouveau des paysages variés de part et d’autre des routes de campagne peu fréquentées que nous empruntons. Si le vent et le temps maussade nous suivent avec constance, la découverte de cette campagne vallonnée en atténue les effets démoralisants.


Mais où sont les cigognes ?



Eclaircie
Route de campagne ou à fort trafic, les épines aiment parcourir le bitume, toujours prêtes à pénétrer le caoutchouc des pneus afin de passer leur bon sentiment à la chambre à air. La Pologne ne fait pas exception à la règle, et nous constatons un beau matin qu’une roue est à plat, situation classique, quoique toujours embêtante pour le cyclo voyageur qui doit alors enlever tout son chargement avant de pouvoir mettre le vélo à l’envers. Rodés à l’exercice, nous nous exécutons et dépouillons le vélo de Sarah de la moindre sacoche. Malheureusement, en le retournant un autre problème apparaît, le câble de dérailleur arrière est totalement effiloché, non loin de la rupture. Outre le changement de chambre qui doit être fait immédiatement, un peu de mécanique s’impose à moyen terme. Fort heureusement, la ville de Bialystok est proche, nous y trouverons un logement au chaud afin de nous occuper des vélos. Nous approchons peu à peu de la dizaine de milliers de kilomètres parcourus sur nos montures et il est par conséquent bien normal que quelques signes de fatigue apparaissent. Si changer un câble ne présente pas de grande difficulté, la roue arrière du vélo de Laurian présente des signes d’usure inquiétants. Le moyeu de cette dernière semble grippé et empêche le bon fonctionnement de l’ensemble. Cela est un peu plus gênant car nous ne possédons pas les outils pour ouvrir le moyeu et résoudre le problème. Par chance, un atelier de vélo se situe non loin de notre logement. En deux temps, trois mouvements, les vélos sont sur le pied d’atelier pour un rapide entretien sous les mains expertes de Bartek (magasin Corrado bike). Le problème de moyeu est résolu, mais les roulements et cuvettes de moyeux présentent des signes d’usure. Il nous faudra surveiller cela et prévoir également un changement prochain de nos transmissions qui sont, elles aussi, bien usées.

ça pique...

Un changement s'impose

La professionnelle

Jardin à la Française

Bartek à l'oeuvre

Cathédrale de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, à Bialystok

Place déserte de Bialystok

Jean-Paul II

Eglise de Saint Roch, à Bialystok

Quelques églises orthodoxes apparaissent
Cette pause technique nous permettra également de faire un point général sur le voyage. Budget, nombre de kilomètres parcourus, temps restant… Toutes ces données analysées nous permettent d’imaginer l’accès à la Grèce possible moyennant un crochet par l’Ukraine pour contourner la Hongrie, qui interdit toute entrée sur son territoire depuis plusieurs mois. Nous devrons juste nous munir d’un test PCR négatif pour passer la frontière.

L’esprit clair et les jambes en pleine forme, nous continuons la route à travers une campagne blanchie par les récentes chutes de neige. Dans ce paysage ouate se dessinent des oasis de couleur dès qu’apparaissent des cimetières. Les tombes sont toutes fleuries et resplendissent de teintes vives. Malgré un œil attentif, nous n’avons pas vu une seule fleur fanée. Sans doute est-il difficile de faire dépérir des pétales de plastique. Si les fleurs et les rubans égayent nos rétines, ils ne réchauffent pas nos corps mis à rude épreuve par le froid. Températures négatives la nuit, températures négatives le jour (-1,5 °C au plus chaud de la journée), nous ne sentons gère nos pieds et nos mains. Les pauses repas sont réduites au strict minimum, les frissonnements devenant tremblements au-delà de quelques minutes d’arrêt. Face à cette situation, nous cédons à l’appel des nuits au chaud et dormons parfois en chambre d’hôte. Cela nous permettra de rencontrer Edith ; passionnée de parapente, professeure de géographie et de programmation informatique en plus de gérer une maison d’hôte, en voici une vie bien remplie ! Entre deux cours en visioconférence, nous aurons l’occasion d’effectuer de beaux échanges avant de reprendre la route (non sans avoir écrit dans son superbe livre d’or). Le long de la Green Vélo, un itinéraire balisé de 2000 km réputé en Pologne, nous égrenons les kilomètres en rive nord du Boug, 10, 20, 30 kilomètres plus tard, voici venu le temps de le traverser, et d’apprendre que le franchissement s’effectue par un bac, à l’arrêt depuis le mois de septembre… 30, 20, 10 kilomètres plus tard, nous voici de retour à notre point de départ où se situe le seul pont à des kilomètres à la ronde permettant d’accéder à la rive sud. Cela nous apprendra à mieux regarder la carte, même lorsqu’il existe des itinéraires balisés.

Le bac, ah il n'y a pas de bac...

9 000 km plus tard

Une touche de neige pour ne pas avoir trop chaud

Cimetière polonais

pictogramme de la "Green velo"

Edith, notre super hôte d'un soir !

Le vent souffle, souffle,souffle
Plus tard, nous emprunterons de nouveau la Green Vélo, sans encombre jusqu’à Chełm, dernier point étape avant l’Ukraine. La ville ne présente pas un charme particulier, mais nous devons nous y arrêter afin d’y effectuer le test PCR nécessaire à pouvoir se présenter à la frontière ukrainienne. Première difficulté, trouver un logement en l’absence de chambre d’hôte au tarif abordable. Malgré l’interdiction, nous essayons d’aller dans un hôtel, un coup d’œil complice de la réceptionniste à la question « business ? » nous permet de trouver une chambre sans difficulté. Entre la loi et la réalité, il y a tout un monde. Après avoir visité la ville une journée, nous repartons un mercredi matin en direction de la façade verte et blanche du laboratoire médical où sont effectués les tests. Tout guillerets en entrant, nous déchantons vite en apprenant que les tests ne sont effectués que deux fois par semaine, le mardi et le jeudi de 10h30 à 11h30. Nous voici manifestement condamnés à passer une journée de plus à Chełm la Maudite. Noyant notre chagrin dans les pâtisseries de Kaufland, nous fumes sortis de nos atermoiements par Anna et son chien Kroutchka. Des bidonvilles de Nairobi aux squats de Barcelone en passant par de nombreuses nuits en couchsurfing (réseau d’hébergement entre voyageurs), Anna voyagea de longues années avant de revenir s’installer dans sa ville natale en tant que professeure d’anglais. Forte de ces expériences de vie, elle proposa spontanément d'aller prendre un thé chez elle. De fil en aiguille, nous fûmes rapidement invités à dormir sous son toit. Par chance, Anna compta parmi ses élèves une jeune fille désormais garde-frontière sur un poste. Un rapide coup de fil à cette dernière leva le voile sur l’imbroglio à l’œuvre à la frontière. Les douaniers eux-mêmes n’étaient pas au courant des consignes nationales ! Ou plutôt, à peine ont-ils connaissance d’une règle qu’une nouvelle annonce du gouvernement la rend obsolète. Voilà qui n’augure rien de bon pour nous. Le flou est total. Autour d’une étonnante soupe à la cerise, plat polonais typique et d’une bonne quiche lorraine mitonnée par nos soins, nous prendrons la décision de passer tout de même un test PCR. Autant mettre toutes les chances de notre côté.
Jeudi 10 décembre 2020, nous voici de retour au laboratoire sous un ciel empli de doutes et de flocons. Malgré notre avance, une file d’attente est déjà formée. Nous patientons et observons la neige saupoudrer nos vestes. Des voitures s’arrêtent et repartent aussitôt en voyant la queue, cela n’augure rien de bon. Pour cause, 1h30 plus tard, nous rentrons enfin dans le laboratoire pour y apprendre qu’il n’y a plus de test disponible et qu’il nous faudra revenir le mardi d’après. Coup dur. Dépités et frigorifiés, nous retournons chez Anna où nous apprenons qu’elle ne souhaite pas que nous restions chez elle plus longtemps. Moins d’une heure plus tard, nous voici de retour dans la neige. Peur du Covid ou impolitesse de notre part, aujourd’hui encore nous n’avons pas réellement compris cet épisode. C’est donc dans un hôtel sans doute flamboyant à l’époque soviétique que nous passerons notre dernière nuit à Chełm la Maudite. L’enfilade de déconvenues atteint quelque peu le moral et nous nous demandons pourquoi diable nous avons été assez bêtes pour nous retrouver bloqués au fin fond de la Pologne en plein mois de décembre dans un vieil hôtel aux relents de tabac froid, sous le regard goguenard d’une télévision à tubes cathodiques. Il n’y a sans doute pas de réponse à cette question, si ce n’est qu’il s’agit d’un excellent moyen d’engranger des souvenirs.
Autour d’une tasse de café soluble, nous réfléchissons aux différentes possibilités s’offrant à nous, avant de choisir la plus simple. Quitte à être à quelques jours de la frontière ukrainienne et vu le flou existant sur les règles d’entrée dans le pays, autant aller voir. Sur un malentendu…

File d'attente pour passer le test PCR

Soupe à la cerise...

... et Quiche Lorraine, les cultures se mélangent

Annah et son chien krowka ("petite vache" en polonais)

Chelm la Maudite

Moment de doute

Façades vives de Zamosc

Barrière visant à empêcher les congères d'aller sur la route (supposition)

Il y a foule à l'approche de Noël...
Accompagnés de notre fidèle brouillard, nous voici donc repartis vers la frontière. Après un rapide arrêt dans la belle ville de Zamość. Nous nous retrouvons à un bivouac du poste-frontière. Un rapide coup d’œil au site de France diplomatie nous redonne de l’espoir. L’Ukraine vient d’autoriser les entrées sur son territoire sans test PCR depuis la Pologne ! L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais le passage de la frontière sera l’occasion d’autres péripéties et rebondissements.
