364,20 km / 2711 m D+ / 3101 m D-
Devise : Leu roumain : 1 € = ~5 RON
- Dis, traverser les Carpates en hiver, ce n’est pas raisonnable ?
- Pas du tout !
- Mais c’est beau ?
- Sublime !
- Mmmh, on y va alors ?
- Bien sûr !

Tuuuut ! Le camion nous adresse de grands coups de klaxon et des appels de phares, manière bien peu cavalière, mais efficace, de nous signifier de quitter la voie de gauche sous peine de nous encastrer. Heureusement pour nous, le vacarme du poids lourd mit en déroute la bande de chiens errants qui nous attaquaient depuis quelques centaines de mètres. Il faut croire que ces derniers sont plus véhéments que leurs homologues ukrainiens. Notre entrée en Roumanie débuta sur les chapeaux de roues ! Sains et saufs et sans morsure, nous nous enfonçons de quelques kilomètres au sud dans un immense openfield où les tracteurs s’activent. Nous eûmes quelques difficultés à trouver un lieu de bivouac dans cette plaine dominée par le massif des Carpates. Nos regards sont aimantés par ce dernier, même si nous nous sommes résignés à ne pas y aller. Nous sommes le 21 décembre, soit la pire période pour s’engager à travers les profondes vallées de Transylvanie. Tout juste avions-nous prévu une pause de quelques jours à l’entrée des montagnes, pour célébrer Noël dans la ville de Gura Humorului. En chemin vers ce but, Sarah s’amusa à observer les nombreuses différences de cette région où elle voyagea en famille en 2005 : engins agricoles, grandes maisons de construction récente, l’adhésion à l’Union européenne semble avoir boosté le développement du pays. Les nombreux drapeaux de l’UE pendus aux fenêtres confirment notre impression.
Les Carpates se profilent.
Les Carpates se profilent.
Ciel une photo !
Ciel une photo !
Malgré les tracteurs, les charettes gardent la cote !
Malgré les tracteurs, les charettes gardent la cote !
Entrée dans le massif
Entrée dans le massif
En chemin vers les montagnes, nous marquâmes quelques arrêts aux monastères peints de Bucovine. Construits au XVIe siècle, ces édifices, bijoux de la Bucovine, présentent des murs sur lesquels s’étalent des fresques colorées relatives à la Bible. Avec l’approche de Noël, quelques enfants chantent parfois devant les porches en pierre, recevant quelques étrennes de la part des nombreux croyants venus allumer un cierge ou se recueillir au pied du Christ. Quant à nous, c’est un peu Noël avant l’heure. À plusieurs reprises, des voitures s’arrêtent spontanément afin de nous donner du miel ou des barres chocolatées. Tout au long de notre traversée roumaine, nous eûmes droit à ces gentilles attentions, accompagnées d’un grand sourire. Ces bons samaritains nous tendirent par la fenêtre du pain, des fruits et d’autres victuailles qui nous réchauffèrent le corps et le cœur. Si une chose n’a pas changé entre 2005 et aujourd’hui, c’est bien l’hospitalité roumaine ! Le son des cloches et des appels vidéo rythma nos quelques jours de repos. Nous appréhendions de passer les fêtes loin des grandes tablées familiales ; le confinement en France changea quelque peu la donne. Nous n’étions désormais plus les seuls à vivre ce Noël électronique coupé de tous. Déconnectés spatialement, mais présents virtuellement, la magie des pixels opéra à merveille.
monastère d'Arbore (XVIe sièce)
monastère d'Arbore (XVIe sièce)
Crevaison non stop !
Crevaison non stop !
Monastère de Humore
Monastère de Humore
Système D
Système D
Eglise orthodoxe
Eglise orthodoxe
Mémorial soviétique
Mémorial soviétique
Joyeux Noël !
Joyeux Noël !
Fresque du Monastère de Voronet
Fresque du Monastère de Voronet
D'un écran...
D'un écran...
...A l'autre !
...A l'autre !
Chaque matin, nous levions les yeux vers les sommets et jour après jour, nous vîmes notre résolution fondre aussi vite que la neige sur les versants. Après tout, était-ce si déraisonnable de s’aventurer dans le massif ? Les prévisions météo annonçaient un créneau de beau temps pendant quelques jours, il n’en fallut pas plus pour nous convaincre. Les quelques jours de repos écoulés, nous reprîmes les vélos et partîmes à l’opposé de la plaine. Rien de mieux qu’un peu de dénivelé pour digérer les spécialités roumaines de Noël, roboratives et copieuses (nous nous rappellerons longtemps des tripes servies au petit déjeuner !). Sitôt les premiers tours de roue effectués, nous fûmes convaincus que notre décision était la bonne. Nous naviguons à travers un monde aux couleurs pastel, paysages oniriques. Tout nous semble doux et chaleureux dans ces vallées où des champignons de foin s’élèvent au milieu des champs. Un soir de grand vent, nous trouvâmes refuge derrière l’une de ces grandes mottes de foin. Quelle ne fut pas notre surprise le lendemain matin, de nous faire réveiller par le bruit d’un moteur de tracteur. Venus récupérer le foin, les deux agriculteurs furent sûrement aussi saisis que nous !
Engagement photographique
Engagement photographique
Cyclos-locomotives
Cyclos-locomotives
L'échoppe du cordonnier
L'échoppe du cordonnier
Gare à la charette
Gare à la charette
Hiver
Hiver
Le terrassement avant le bivouac
Le terrassement avant le bivouac
Le frigo ? Pas besoin...
Le frigo ? Pas besoin...
Clair de lune
Clair de lune
Empreinte de loup ?
Empreinte de loup ?
Paysage typique
Paysage typique
Premier contact
Premier contact
Portrait
Portrait
En bordure des routes s’écoulent régulièrement des sources où viennent s’approvisionner, à l’aide de multiples bidons et d’autres bouteilles plastiques, les habitants des villages alentours. Ces points d’eau tombèrent à pic pour refaire nos stocks en cours de route, avant de redescendre dans la plaine. En effet, une fois franchi le col de Borga, cher aux amateurs de Dracula, nous quittâmes la Bucovine pour nous laisser paresseusement glisser jusqu’à Bistrita. Enfin, plus ou moins paresseusement selon l’entrain des Bergers des Carpates à vouloir tâter de nos mollets. Peu avant Bistrita, nous guettâmes nos compteurs d’un œil impatient. 9998, 9999, 10 000 km ! Après 7 mois en selle, la barre symbolique fut franchie. Qui aurait cru que ce serait si facile ? Au final, il suffit de se mettre en route, le plus dur est alors derrière soi. Pour fêter cette étape, la roue arrière du vélo de Laurian décida de jouer de la voix à l’aide d’onomatopées métalliques de triste augure. Le concert débuta 15 km après Bistrita et nous obligea à rebrousser chemin en ville afin de trouver un vélociste ouvert entre Noël et le jour de l’an. Autant chercher un trou de chambre à air sans bassine d’eau… Heureusement, après quelques échecs nous frappâmes à la porte de Danny qui nous accueillit dans son jardin, littéralement. Lancé depuis peu à son compte, il était encore en attente d’un local lors de notre passage. S’excusant de l’accueil spartiate (alors que nous étions déjà si heureux de trouver un magasin ouvert !), il s’attela sans attendre à ouvrir le moyeu pour en extraire les roulements, bien usés. Plus grave, la cage de roulement étant abîmée, c’est le moyeu qui serait à changer et donc potentiellement la roue, en fonction des pièces disponibles. Coup dur. Ne possédant pas les pièces disponibles, Danny nous conseilla d’aller à Cluj-Napoca, la deuxième ville du pays, où nous aurions plus de chance de trouver les pièces nécessaires. Danny remplaça tout de même les roulements par des nouveaux, de piètre qualité, mais qui nous permirent d’atteindre Cluj-Napoca sans avoir droit à un nouveau concerto. Notre mécanicien du jour refusa d’être payé, cadeau de Noël, nous dit-il en nous souhaitant un bon voyage. Après ce jour de pause forcée, nous reprîmes la route le 31 janvier en direction donc de Cluj-Napoca
L'un des nombreux points d'eau croisé sur la route
L'un des nombreux points d'eau croisé sur la route
Mont Fuji ?
Mont Fuji ?
Féerie roumaine
Féerie roumaine
pastel
pastel
Botte de paille en Bucovine
Botte de paille en Bucovine
Les sacs poubelles, meilleurs amis en cas de pluie.
Les sacs poubelles, meilleurs amis en cas de pluie.
10 000 km plus tard
10 000 km plus tard
Danny, notre sauveur de fin d'année !
Danny, notre sauveur de fin d'année !
Cuvette de moyeux
Cuvette de moyeux
En ce dernier jour de 2020, nous redécouvrîmes la Roumanie agricole où la forêt n’a plus sa place, hormis en hauteur. Nous parvînmes malgré tout à trouver un coin de forêt (et accessoirement une ancienne décharge) où planter la tente et préparer un repas de roi. Au menu, châtaignes sur leur lit de tortellini et nappage ketchup, accompagné d’une bière d’abbaye. Repus, nous nous assoupissons peu à peu, notre quiétude interrompue par intermittence par les détonations des feux d’artifice ou la présence de chiens errants vagabondant autour de la tente à la recherche de restes, mais un cyclo ne laisse pas de restes, c’est bien connu !
Dans tous les villages, dans toutes les villes, les cloches et carillons sonnent la fin et le début d’une nouvelle décade. Bien loin de ces considérations calendaires, au cœur de la Roumanie, bien au chaud dans leur duvet, deux voyageurs dorment sous un toit de toile réconfortant. Le sommeil les a pris bien avant le premier tintement de cloche.
Bonne année !
Bonne année !

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